le roman de tyllLe roman de Tyll Ulespiègle de Daniel Kehlmann
Traduit de l’allemand par Juliette Aubert, Acte Sud, 2020

Daniel Kehlmann, né en 1975 à Munich, bon connaisseur de la littérature comme de l’histoire des sciences, a étudié la philosophie à Vienne et sait travailler le matériau historique. « Les Arpenteurs du monde » (Actes Sud, 2007), dont le succès mondial l’a fait connaître, imaginait une rencontre entre le géographe Alexander von Humboldt et le mathématicien et astronome Carl Friedrich Gauss, au début du XIXe siècle.
Cette fois, Daniel Kehlmann précipite Tyll Ulespiègle dans la guerre de Trente Ans (le XVIIe siècle) qu’il utilise comme support d’une flamboyante métaphore du 'malheur allemand’. La guerre de trente ans est une série de conflits armés qui a déchiré l'Europe de 1618 à 1648.


Tyll est né au début du XVIIe siècle. Son père, Claus Ulespiègle, meunier, magicien et autodidacte arrive au conflit de l’Église catholique. À l’époque, le meunier était considéré comme un hérétique et exécuté, comme beaucoup d’autres qui l’avaient précédé.
Le matin de l’exécution de son père, Tyll ne se sent plus sauf dans son village et fuit avec Nele, la fille de boulanger.
Ils parcourent le pays, Tyll gagne de l’argent comme funambule et apprend le métier de jongleur d'un covoyageur, tout cela dans un décor de mort et de destruction.
Tyll adore mener le peuple en bateau et tenir le miroir devant lui. À l’époque que Tyll a été bouffon du roi (ou ménestrel), son roi souligne la plus-value du ménestrel; sans lui, il ne ferait que perdre la tête et aussi la réalité de quotidien avec tant d’attention.
Aujourd'hui, ce sont les comédiens qui ont repris le travail de la cour et nous tenir le miroir.

Till Ulenspiegel ou Eulen-Spiegel (littéralement "miroir de chouette") a donné notre "espiègle" français et a été bizarrement francisé en Ulespiègle dans la traduction. Il s’agit d’un personnage légendaire dès le Moyen Age allemand, un barde qui se transporte chantant et jonglant.
Il a été déplacé par Kehlmann au Grand Siècle. Dans ce contexte épique, le comédien funambule, il ne brille pas par la bravoure mais par un humour teinté de cynisme et d’individualisme, bien dans l’esprit de notre temps (cité Le Monde, le 7 février 2020).

J’ai lu les critiques de Kehlmann au Monde (février), le livre de Tyll est traduit par Juliette Aubert. Cet objet a suscité mon intérêt. Je l'ai lu dans la langue d’origine et avec plaisir. L'écrivain a reproduit une conjoncture lucide d’une époque, qui se caractérise par des conflits de foi, une haute moralité d’enfant et de pauvreté. En plus, il a aussi établi un parallèle entre le XVIIe et aujourd’hui quant aux guerres prolongées, au mondialisme, une Europe divisée et les épidémies.

Élisabeth B.